Fintech 2025 : bâtir dans l'ombre, innover dans la structure

17/12/2024

Une nouvelle ère où l'efficience remplace l'exubérance

L'année 2024 aura marqué un tournant pour la fintech française, à la fois par sa capacité à lever des fonds – 1,3 milliard d'euros, en hausse de 20 % – et par le ralentissement du nombre d'opérations. Moins de tours de table (92 contre 140 en 2023), mais des montants plus conséquents, symbolisés par les méga-levées d'Alan, Akur8 ou Pigment. Une tendance qui pourrait s'apparenter à une "bulle de maturité" dans laquelle les entreprises les plus solides, souvent les mieux positionnées en B2B ou sur des marchés en retard comme l'assurtech, attirent la majorité des financements.

Pourquoi ce phénomène ? À l'image de l'économiste Joseph Schumpeter et de sa célèbre "destruction créatrice", la fintech semble entrer dans une phase où la sélection naturelle élimine les modèles fragiles pour laisser place aux bâtisseurs. Un temps où l'innovation cède le pas à la consolidation, un mécanisme d'assimilation des plus petites structures par des acteurs plus solides.

L'assurtech : quand la prudence s'invite à la table de l'innovation

Avec 33 % des fonds levés, l'assurtech est le grand gagnant de 2024. Pourquoi un tel essor dans un secteur historiquement conservateur ? Plusieurs facteurs entrent en jeu :

  • Retard technologique : L'assurance, l'une des industries les plus anciennes, s'est longtemps appuyée sur des systèmes obsolètes. Aujourd'hui, les solutions de pricing algorithmique (comme Akur8) ou de personnalisation des polices s'imposent pour rattraper ce retard.
  • Nouveaux risques à couvrir : Entre l'essor des cyberattaques, les changements climatiques ou la gig economy, les risques ont changé de nature. De nouveaux produits d'assurance émergent pour répondre à ces défis, nécessitant des technologies prédictives et adaptatives

En ce sens, la croissance de l'assurtech s'inscrit dans une tendance plus large : la gestion du risque systémique. Dans un monde instable, ces startups se positionnent en "tampon technologique", capables de stabiliser des secteurs fragilisés.

Le B2B Financier : quand l'infrastructure devient stratégique

L'autre moteur du secteur en 2024 est le B2B fintech, avec 27 % des fonds levés. Derrière ces chiffres, une idée simple : la finance n'est pas un produit mais une infrastructure. À l'image des entreprises comme Greenly (traçabilité carbone) ou Datadome (cybersécurité), la fintech B2B se concentre sur des outils qui permettent aux acteurs financiers traditionnels d'opérer dans un monde digitalisé.

Là encore, une lecture économique s'impose : nous sommes dans une phase d'efficacité marginale croissante, où chaque euro investi dans l'infrastructure numérique des services financiers permet d'augmenter leur rendement global.

Pour les PME et ETI, ce phénomène se traduit par des solutions de middle et back office (Pigment, Agicap, Pennylane) qui simplifient et automatisent des processus autrefois coûteux. Ces outils ne sont pas révolutionnaires mais nécessaires, répondant à un besoin pragmatique : faire plus avec moins.

M&A : l'heure de la consolidation

L'année 2024 a été marquée par 54 opérations de fusions et acquisitions, un signal fort de maturité pour la fintech. Cette consolidation s'explique par plusieurs dynamiques :

  • La rareté des capitaux : Dans un contexte de resserrement financier, seuls les projets les plus performants survivent, incitant les acteurs plus gros à acquérir des technologies prometteuses.
  • La quête de rentabilité : Les fintechs, longtemps valorisées sur leur potentiel de croissance, doivent désormais prouver leur capacité à générer des marges. Se regrouper permet de mutualiser les coûts et d'atteindre une masse critique.

Ce phénomène de concentration s'apparente à une phase "oligopolistique" : le marché, autrefois fragmenté, voit émerger quelques champions capables de tenir tête aux acteurs historiques. Dans cette nouvelle configuration, les fintechs ne sont plus de simples challengers mais des partenaires stratégiques pour les banques et assureurs traditionnels.

Tendances à venir : l'innovation discrète mais déterminante

À quoi s'attendre en 2025 ?  L'intégration de l'IA dans les systèmes financiers permettra d'affiner les prédictions économiques et de personnaliser les services pour les utilisateurs finaux. Le marché de la finance verte continuera de croître, poussé par les exigences ESG et les régulations européennes. Les startups capables de mesurer, contrôler et certifier l'impact environnemental auront un rôle central. Enfin, les services de back office continueront de se développer pour répondre à l'impératif d'efficacité. Là encore, c'est l'innovation invisible – celle qui opère dans les coulisses – qui sera la plus transformative. Loin des "années folles" des levées records et des valorisations démesurées, la fintech de 2025 sera celle des bâtisseurs. Les acteurs les plus robustes, appuyés sur des modèles économiques éprouvés, tireront leur épingle du jeu dans un écosystème plus mature et consolidé. La course à l'innovation n'est pas terminée, mais elle laisse place à une autre quête : celle de l'efficience et de la transformation structurelle. En d'autres termes, la fintech entre dans une phase où le temps de l'audace laisse place à celui de la résilience, un mouvement discret mais essentiel pour bâtir les infrastructures financières de demain.


Pauline Perrotton - Blog VC
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