IA : On nous vend un rêve, mais qui va payer l’addition ?

25/02/2025

Bulles, Mirages et Algorithmes : L'IA sous Hypnose

Rarement une invention a autant nourri les fantasmes que les angoisses. L'intelligence artificielle serait tour à tour la clé de l'immortalité, le fossoyeur du travail ou le maître d'œuvre d'un avenir dystopique. On la célèbre, on la redoute, on lui prête des pouvoirs quasi divins. Mais derrière ces narratifs grandioses, une réalité s'impose : l'IA n'est pas une prophétie, c'est un produit.

Et comme tout produit, elle obéit à une logique bien connue : celle du marché. Son essor fulgurant doit moins à une avancée scientifique soudaine qu'à une frénésie spéculative digne des plus grandes bulles économiques. Alors, l'IA est-elle une révolution inéluctable ou le dernier mirage d'un capitalisme en quête de nouveaux profits ?

Une chose est sûre : l'addition finira par tomber. Mais qui la règlera vraiment ?

L'IA : Nouvelle Renaissance ou Nouvelle Tulipomanie ?

Les révolutions technologiques ne s'imposent jamais immédiatement. Internet, avant de devenir l'infrastructure du monde moderne, n'était qu'un projet militaire puis une curiosité universitaire. L'IA d'aujourd'hui, elle, est encore dans son enfance. Mais de quelle nature est cette enfance ? Est-ce celle d'un génie en devenir ou celle d'un enfant-roi capricieux et coûteux ?

L'euphorie actuelle ressemble à une ruée vers l'or déchaînée. Des startups apparaissent et lèvent des sommes vertigineuses sans même avoir de modèle économique clair. Les investisseurs, hypnotisés par la fomo (fear of missing out), injectent des milliards dans des entreprises dont la seule valeur tangible est d'être étiquetées "IA". Nous avons déjà vu ce film : la bulle des dot-com des années 2000, l'emballement pour les crypto-actifs. Chaque fois, la promesse était immense, mais combien d'acteurs ont survécu au crash ?

Le battement d'aile de la bulle IA pourrait causer une tornade sur la planète capital-risque

Aujourd'hui, le capital-risque tourne à plein régime vers l'IA. Tout projet qui ne porte pas ce label semble condamné à l'oubli. Cette concentration frénétique des investissements crée un effet de prophétie auto-réalisatrice : en investissant massivement, les acteurs du marché renforcent artificiellement la valeur perçue de l'IA, alimentant ainsi la bulle. Mais toute bulle éclate un jour, et lorsque cela arrivera, les répercussions dépasseront le simple secteur technologique. La planète capital-risque, entièrement polarisée sur l'IA, pourrait connaître une secousse sismique dont l'intensité ne fait que grimper sur l'échelle de Richter. 

Dans ce schéma, les gagnants ne sont pas forcément ceux que l'on croit. Comme lors de la ruée vers l'or, ce ne sont pas les chercheurs d'or qui s'enrichissent, mais ceux qui leur vendent des pelles et des pioches. Ici, ces pioches sont les infrastructures : les data centers, les fournisseurs de cloud et les fabricants de semi-conducteurs. Pendant que des centaines de startups tentent de monétiser des produits IA fragiles, les véritables profiteurs sont ceux qui leur vendent la capacité de calcul nécessaire à leur existence.

Lors du récent Sommet de l'IA, des milliards ont été annoncés pour l'infrastructure nécessaire au développement de cette technologie. Mais une question demeure : combien de ces financements iront réellement aux startups innovantes et non aux géants déjà bien établis ? Aujourd'hui, la plupart des investissements se concentrent sur les infrastructures massives – data centers, supercalculateurs, fournisseurs de cloud – tandis que l'écosystème des startups peine à accéder à des ressources comparables. Le risque est donc de voir l'innovation bridée par une concentration du pouvoir entre quelques mastodontes technologiques qui répondent à leurs intérêts avant tout. L'IA ne sera-t-elle qu'un terrain de jeu réservé aux géants de la tech, laissant les entrepreneurs indépendants lutter pour une part de financement ?

Ce n'est pas seulement un problème économique, c'est aussi un enjeu démocratique et sociétal. La centralisation du pouvoir technologique entre quelques mains peut rapidement transformer un outil en une arme...

L'IA n'est pas magique (et c'est un problème)

Ce que personne n'ose dire, c'est que l'intelligence artificielle d'aujourd'hui n'a rien d'intelligent. Elle est mathématiquement brillante, statistiquement redoutable, mais elle ne pense pas. Elle ne comprend pas. Elle ne sait pas ce qu'elle produit. Une IA, c'est un illusionniste de génie, un oracle qui récite des versets sans en comprendre le sens. Et pourtant, nous sommes déjà prêts à lui confier nos décisions, notre créativité, nos entreprises.

C'est là le danger : à trop vouloir croire à la magie, on cesse de poser des questions critiques. Une IA, ce n'est pas un esprit supérieur, c'est une infrastructure dévoreuse de ressources, nourrie de notre savoir préexistant. Elle n'invente rien, elle réarrange, elle prédit. Et quand viendra l'inévitable réajustement – car il viendra – que restera-t-il ? Une technologie utile, sans doute, mais sans l'aura quasi mystique qu'on lui prête aujourd'hui.

Et après ?

Lorsque la bulle éclatera – car elle éclatera – nous verrons émerger un paysage technologique réajusté. L'IA restera un outil puissant, mais elle perdra son statut quasi mystique. Et peut-être qu'enfin, au lieu de fantasmer sur une intelligence artificielle omnisciente, nous nous concentrerons sur ce qu'elle est réellement : un levier, une technologie parmi d'autres, à utiliser avec discernement.

L'IA ne sauvera pas le monde. Elle ne le détruira pas non plus. Mais si nous continuons à l'idolâtrer sans esprit critique, nous risquons de voir s'effondrer un château de cartes que nous avons nous-mêmes construit.

Pauline Perrotton - Blog VC
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